Hydrogène et mobilités : pour qui et dans quelles mesures ?
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Accéder au Press kitL’avenir des mobilités passera-t-il par l’hydrogène ? A quel horizon ? Un centre technique de recherche et plusieurs industriels du secteur de l’automobile, dont Stellantis, Forvia et Borg Wagner, ont apporté plusieurs éléments de réponse à l’occasion d’une table ronde au 49° congrès A3TS, organisé début juillet au Parc Expo de Mulhouse.
La décarbonation des transports constitue une composante essentielle pour atteindre les objectifs de réduction d'émissions de gaz à effet de serre et en particulier de CO2. La Commission européenne estime que le transport routier représente un tiers de l’énergie consommée dans l’Union européenne. Les véhicules lourds produiraient, quant à eux, 6% du total des émissions de gaz à effet de serre des “Vingt-Sept”. Mais alors, quel sera l’avenir des mobilités terrestres, l’électricité ou l’hydrogène ? Et si finalement ces deux ressources, que l’on annonce souvent comme concurrentes, étaient complémentaires ?
L’électrification des véhicules se trouve déjà dans une phase plus qu’avancée. Depuis plusieurs années, l’industrie automobile a effectué un basculement pour prendre le virage de l’électrique. Pour ce qui est de l’hydrogène, ce virage est de prime abord moins évident. Même si de nombreux territoires et à des échelles différentes poussent pour avoir une filière forte, à l’image de l’Union européenne ou de la région Grand Est, la réalité économique reste toujours un frein.
Un véhicule à hydrogène est encore aujourd’hui très coûteux (près de 70 000 euros) et plus ou moins décarboné en fonction de l’origine du gaz (reformage du méthane ou électrolyse de l’eau). De plus, les bornes de recharges sont presque inexistantes. En France par exemple, il n’y en a qu’une petite trentaine. En l’état, difficile donc de voir monsieur tout le monde rouler avec une automobile exploitant cette énergie.
Cependant, un consensus émerge pour positionner l’utilisation d’hydrogène comme une solution complémentaire aux véhicules électriques à batteries, avec des caractéristiques spécifiques le vouant à des segments d'usages particuliers.
Destiné au “transports lourds”
Si l’hydrogène est un vecteur de décarbonation pour certains secteurs industriels (chimie, métallurgie), il le sera également pour un certain nombre de segments du transport rassemblés sous l'appellation “transports lourds” : rail (pour la partie du réseau non électrifié), route (camions longue distance, bus, flottes type taxis, véhicule de livraison) ou encore le transport aérien (à plus long terme).
Deux facteurs confortent l’hydrogène au détriment de l’électricité pour ce type de mobilité. Tout d’abord, la réserve d’énergie à la mise en mouvement de ces transports “lourds” exige des batteries de taille considérable, lourdes et souvent chères. Aussi, les temps d’immobilisation pour la recharge d’énergie, de seulement quelques minutes pour l’hydrogène - comparable à un plein d’essence -, contre 30 min à plusieurs heures pour les batteries électriques, plaide pour le gaz.
L'hydrogène est d’ailleurs déjà expérimenté sur des flottes professionnelles qui, en France, utilisent des voitures à pile à combustible, comme les taxis Hype ou les véhicules de Air Liquide.
L’offre en véhicules hydrogène reste pour l'heure très limitée, avec seulement quelques modèles actuellement sur le marché́. Mais de nombreux constructeurs travaillent à leurs propres versions, pour des utilitaires légers, à l’image de Stellantis ou des camions longue distance dont IVECO annonce la commercialisation en France fin 2023. Dans les deux cas, il s'agit de véhicules alimentés par une pile à combustible
“Nous avons conçu une architecture de véhicule offrant une autonomie de plus de 400 kilomètres avec la possibilité de recharger en seulement 3 minutes. Et pour préserver la charge utile, tous les composants du système de propulsion par pile à combustible sont implantés en dehors de l’espace de chargement, raconte Stellantis. Ce système peut également être greffé aux utilitaires légers électriques sur batterie existants, pour un minimum d’adaptations et un maximum de synergies entre les versions à hydrogène et les modèles 100 % électriques.”
Moteur thermique et hydrogène
Si l’usage de l’hydrogène est souvent considéré pour alimenter une chaîne de traction électrique via une pile à combustible, de nombreux signaux récents évoquent l’utilisation, dans certains contextes, d’hydrogène pour alimenter un moteur thermique en remplacement d’essence ou de gasoil. Des chercheurs de l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles ou des industriels tels que Borg Wagner, via son entité Phinia, travaillent sur cette solution.
Des marchés existent comme les poids lourds, les engins de chantier ou la mobilité urbaine (bus). Plus de 80 clients ont des projets avec notre société. Il y a 4 cellules d’essai moteur sur le site de Blois en France, dont deux véhicules sur une structure du constructeur Stellantis.Phinia, entreprise leader dans le domaine des systèmes à carburant
D’après l’équipementier automobile, il y a plusieurs intérêts à cette variante d’utilisation d’hydrogène dont un coût réduit par rapport aux piles à combustible et aux véhicules électriques et une moins grande sensibilité à la qualité d’hydrogène. Une dérogation pour commercialiser au-delà de 2035 des véhicules de transport à moteur thermique alimentés à l’hydrogène serait en voie d’être accordée, selon l’équipementier Borg Warner.
“Contrairement au diesel ou à l’essence, l’hydrogène est un gaz sec qui n’apporte aucune lubrification. Une contrainte qui nécessite, sur les certaines zones (guidage, impact), de travailler sur des nouveaux matériaux et surtout revêtements permettant aux composants de fonctionner sous hydrogène sec”, indique Phinia.
La résistance des matériaux mis à mal
La problématique est bien connue des industriels du secteur des mobilités qui planchent sur le sujet, à l’image de Forvia, constructeur de réservoir automobile.
La molécule d’hydrogène est tellement petite, qu’elle fragilise les matériaux à son contact diminuant ainsi leur résistance et leur durée dans le temps.Cetim, expert en mécanique
Pour les industriels, il est donc primordial de chercher, mais surtout de trouver la parade pour pouvoir maîtriser ces risques : utilisation d’aciers spécifiques, revêtements à l’intérieur du réservoir, modification de la forme des réservoirs… Le Cetim a d’ailleurs mis en place un centre d’ingénierie et d’essais sur les matériaux liés à l’hydrogène pour accompagner les industriels dans le développement de la filière.
En conclusion, les véhicules à hydrogène sont appelés à se développer sur des segments d’usage spécifiques (transports lourds, flottes locales) et des véhicules de plusieurs types (pile à combustible, moteur thermique à hydrogène) vont rapidement occuper le paysage des mobilités. Industriels de la filière automobile et centres techniques mettent au point les gammes de matériaux et traitements adaptées à l’utilisation d’hydrogène et les solutions technologiques sécurisées.